Critique: Farthest Frontier
Voici notre critique du jeu Farthest Frontier, testé sur PC.

Genre: City-builder médiéval, Survie
Développeur: Crate Entertainement
Date de sortie: 23 octobre 2025
Disponible uniquement sur PC.
Ces dernières années, les city-builders ont la cote. Qu’il s’agisse de Cities: Skylines, Timberborn, Tropico ou de Frostpunk, c’est un genre qui ne manque pas de variations. De son côté, Crate Entertainment s’attaque au city-builder “à l’ancienne”, où l’authenticité systémique prime: rien n’est magique, tout découle d’une chaîne logique. On ne mange pas le blé; il devient de la farine, puis du pain. La viande pourrit si l’on ne la fume pas et les maladies prospèrent sans hygiène. L’idée est séduisante: vivre le Moyen Âge par les contraintes matérielles et les arbitrages quotidiens. Mais est-ce que le concept est maîtrisé? C’est ce que nous verrons ensemble! Que vous soyez néophyte ou vétéran du genre, je vous invite à lire ma critique!
Histoire, cadre et intention
Il n’y a pas de récit scénarisé: le jeu privilégie la narration émergente. Vos “chapitres” sont faits d’un gel tardif qui ruine les récoltes, d’un raid que vous encaissez pour économiser l’or des murailles, d’une épidémie stoppée in extremis grâce à la savonnerie. C’est cohérent avec l’ambition “simulation d’époque”, mais cela laisse le joueur seul face à une montagne de systèmes, d’où mon souhait d’un mode campagne qui baliserait l’apprentissage et proposerait des objectifs à étapes claires. Même en tant qu’habitué des city-builders, je me suis parfois senti submergé: les fenêtres d’aide contextuelle ne suffisent pas à structurer l’apprentissage.



Mécaniques
La force de Farthest Frontier tient dans un écosystème où chaque geste en entraîne un autre. On ne “pose” pas des bâtiments, on orchestre des chaînes qui se répondent. L’agriculture en est le socle: la fertilité d’un champ, encombré de pierres et de mauvaises herbes, varie avec son ratio sable/argile et impose d’adapter les cultures plutôt que d’appliquer une recette universelle. La rotation devient un art d’équilibre entre rendements et conservation: les céréales se gardent mieux, mais fatiguent certains sols, tandis que les légumes, plus fragiles, exigent un assolement réfléchi. Comme la nourriture se gâte, les greniers, fumoirs et boulangeries ne sont pas des raffinements tardifs, mais des amortisseurs qui conditionnent votre premier hiver.
À cette trame agricole s’imbriquent hygiène et santé. Investir tôt dans le savon, des points d’eau et une maison de guérison réduit les maladies et se traduit, très concrètement, par une productivité plus stable. Les ateliers d’artisanat, tannerie, vêtements, outils, ne sont pas de simples multiplicateurs: ils alimentent une boucle de qualité de vie où mieux équiper les habitants, c’est aussi fiabiliser les récoltes, la coupe de bois et les livraisons. Le village respire mieux quand ces circuits amont tournent rond.


C’est du côté de l’économie que le tableau se brouille. Les coûts récurrents, la fiscalité et les dépenses liées à la défense manquent d’explications contextualisées; on voit l’or s’évaporer sans toujours comprendre quelles lignes comptables pèsent le plus. La sensation de “trou noir” financier vient moins d’un déséquilibre fondamental que d’un déficit de feedback: avec des indicateurs causaux plus clairs, les arbitrages seraient plus satisfaisants. La progression elle-même donne l’impression que les coûts de construction et d’entretien s’emballent dès que l’on monte en tiers, ce qui peut freiner, voire décourager, quand on n’a pas encore internalisé les boucles économiques.
Les menaces extérieures, bandits et faune, obligent à raisonner en coût d’opportunité. Fortifier tôt, partout, est rarement optimal: murs et tours grèvent la trésorerie et immobilisent la main-d’œuvre. Souvent, accepter un pillage ciblé puis reconstruire s’avère plus rationnel que d’entretenir un glacis défensif prématuré. Là encore, le jeu récompense les décisions situées plutôt que les réflexes systématiques.



La logistique, enfin, cimente l’ensemble. Des routes bien pensées raccourcissent les cycles de travail et fluidifient les chaînes de transport; la “désidérabilité” des quartiers, grâce aux services et aux aménagements, conditionne la progression par paliers et vous oblige à penser un véritable plan d’urbanisme. En pratique, l’IA des villageois paraît parfois lente à s’activer et priorise des tâches qui ne sont pas les vôtres. Même en classant les commandes, il faut de la patience pour les voir s’exécuter. L’augmentation de la vitesse aide: par défaut, le plafond est x3, mais une option permet d’activer x5 qui est beaucoup plus confortable. Après plusieurs heures, j’aurais clairement apprécié un x10 pour lisser les moments d’attente, surtout lorsque la colonie s’étend.
Enfin, bonne surprise côté paramètres: le bac à sable est très souple. On peut désactiver les contraintes de coûts et de ressources, auto-générer des villageois pour accélérer la main-d’œuvre et, plus globalement, construire librement pour explorer l’arsenal de bâtiments. C’est un vrai plus pour les vétérans pressés ou les joueurs qui veulent apprivoiser la complexité sans se battre d’emblée contre toutes les courbes. Pris isolément, chaque système est solide et lisible; c’est leur coexistence dès les premières heures qui peut saturer. Malgré mon expérience du genre, je me suis retrouvé à jongler avec trop de variables à la fois, signe qu’un meilleur guidage initial révélerait plus vite la qualité de la simulation. Le potentiel est là, dense, cohérent, et ne demande qu’un onboarding plus pédagogique pour devenir évident.
Ambiance et graphismes
C’est réussi visuellement. Les saisons sont lisibles, la palette chaude rend le village agréable à observer de près. La lisibilité des overlays agricoles est globalement bonne, mais l’interface gagnerait à mieux surligner les liens de causalité (qui consomme quoi, pourquoi ce stock s’abîme, etc.). C’est sans fioritures: propre, cohérent et axé sur la jouabilité.
La musique est correcte, un folk discret, doux, qui soutient l’atmosphère sans réellement marquer. Elle ne parasite jamais, mais j’aurais aimé plus de variation thématique lors des pics (hiver dur, épidémies, raids). Les sons d’ambiance (travaux, vent, animaux) participent au réalisme du bourg. Ça manque un peu de féérie à mon goût pour être plus immersif.



Côté technique et ergonomie
Techniquement, rien d’alarmant sur mes sessions, mais des baisses de régime apparaissent à grande échelle. Sur le plan de l’ergonomie, l’essentiel y est, mais les tutoriels sous forme de pop-ups ne constituent pas un parcours d’apprentissage satisfaisant. Entre une IA de villageois qui tarde parfois à réagir, un cap de vitesse trop timide par défaut et une économie opaque, on passe facilement 3–5 heures à peiner sans réelle sensation de progression. Un mini-mode campagne guidé, assorti d’objectifs graduels et d’un journal “cause → effets”, changerait la donne.


Le verdict
Un village posé au bout du monde, des hivers cruels, des champs capricieux et des habitants qui tombent malades si vous oubliez… le savon. Farthest Frontier fait beaucoup de choses bien, parfois trop à la fois. J’y ai trouvé une simulation riche, souvent passionnante, mais dont l’entrée en matière est si abrupte qu’un tutoriel plus pédagogique et un mode campagne me semblent indispensables. Au jour de la sortie, je confirme l’absence de modes supplémentaires par rapport à l’accès anticipé, ce qui déçoit d’autant plus que la prise en main reste lourde. Farthest Frontier brille par la densité et la cohérence de sa simulation: agriculture, hygiène, artisanat, logistique, tout s’imbrique et raconte un Moyen Âge “matériel” convaincant. Cependant, cette richesse peut s’avérer frustrante lorsque l’interface ne fournit pas suffisamment d’explications sur la disparition de l’or, ou sur la manière de hiérarchiser les investissements. Aujourd’hui, j’y vois un bac à sable exigeant qui ravira les amateurs de systèmes à dompter et de survie structurée, mais qui découragera facilement sans un tutoriel solide ni de mode campagne pour rythmer l’apprentissage. Avec ces deux ajouts, le jeu pourrait changer de dimension. Je lui donne la note de 6.5 sur 10.
Points positifs:
- Une simulation profonde et cohérente (agriculture, périssabilité, artisanat interconnecté).
- Logistique et urbanisme gratifiants (routes, rayons de service, désidérabilité, paliers).
- Une ambiance visuelle réussie. Des saisons lisibles et agréable à observer de près.
- Une courbe de difficulté modulable, pouvant aller du chill au très exigeant.
Points négatifs:
- Un tutoriel quasi inexistant et une première partie écrasante.
- Une économie opaque (taxes, coûts récurrents, défense) qui donne l’impression de “trou noir” d’or.
- Le mode campagne fait défaut et le bac à sable manque d’objectifs structurés.
- Une interface perfectible: peu de feedback causal et d’explications contextuelles.
- Le coût de la défense est punitif, poussant à des arbitrages peu intuitifs.
Merci d’avoir pris le temps de lire notre critique du jeu Farthest Frontier. N’hésitez pas à nous donner vos avis sur ce jeu dans la section commentaire, ci-dessous!
Un énorme merci à Crate Entertainement de nous avoir permis de tester le jeu pour en faire une critique.
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