Critiques jeux

Critique: WUCHANG: Fallen Feathers

Voici notre critique du jeu WUCHANG: Fallen Feathers, testé sur PlayStation 5.

Genre: Action-RPG, Soulslike
Développeur: Leenzee
Date de sortie: 23 juillet 2025

Disponible sur PC, PlayStation 5 et Xbox Series.

Le Soulslike est devenu un continent à part. Certains s’y perdent, d’autres s’y enracinent. WUCHANG: Fallen Feathers débarque dans un paysage surpeuplé, mais il le fait en affichant deux ambitions claires: ancrer son identité dans une Chine réinventée et réécrire la grammaire du combat. C’est ce double pari, esthétique et mécanique, qui structure toute l’expérience. Cartes sur table: je ne suis pas un vétéran des Souls. J’ai buté tôt dans Sekiro et j’ai trouvé Lies of P décourageant dès les débuts. Heureusement, avec Wuchang, la sensation dominante n’a pas été l’écrasement, mais la progression. Chaque défaite m’a semblé juste: une erreur de timing, une gourmandise, un mauvais réflexe. Comme pour tous les autres Souls vous me direz, oui, mais sans l’écrasante cruauté des autres jeux du genre. Wuchang m’a appris sa danse sans me jeter hors de la piste. Et cette accessibilité, sans renier l’exigence, n’est pas anecdotique: elle découle de choix de design précis que l’on va disséquer en profondeur.

Bai Wuchang, notre héroïne, pirate et porteuse de l’infection.

Ornithropie, mémoire déplumée et fin de la dynastie Ming chinoise

On incarne Bai Wuchang, pirate amnésique, contaminée par l’Ornithropie. Cette “plume-maladie” ronge les souvenirs, puis l’humanité, jusqu’à métamorphoser les corps en créatures fissurées par des aiguilles d’os et des plumes d’azur. Le point de départ coche les cases du genre à: réveil dans la pénombre, mots rares, monde malade. Mais il y ajoute un cadre culturel fort, rébellion, famine, peste, transposée en dark fantasy. La narration demeure elliptique, essentiellement environnementale en respect du genre. Elle est suggérée dans les descriptions d’objets, les architectures mangées par le mal, les PNJ qui parlent peu, qui réapparaissent plus loin, et dont les arcs se tissent hors écran. C’est séduisant, mais dense.

Pour moi, étranger à cette culture des noms, lieux et intonations chinoises, je perdais le fil des noms et la cartographie mentale des factions me semblait brumeuse. Ce n’est pas un défaut en soi, mais c’est un facteur d’ajustement réel. C’est une bonne chose que nous puissions découvrir et nous faire à cette culture qu’on voit peu rayonner en occident.

Graphiquement splendide!

Là où l’univers est convaincant, c’est dans sa courbe atmosphérique. On démarre dans des villages colorés, vibrants de soieries, de lanternes, de jardins humides; puis l’on glisse, marche après marche, vers des entrailles minérales, des pagodes verticales rongées par les plumes, des murailles échafaudées sur lesquelles pendent des cocons humains. Le monde palpite. On y sent le poids du rite, des cultes, de la médecine traditionnelle (qui deviendra gameplay), et cette idée assez splendide que la plume est à la fois affliction et pouvoir.


Mécaniques de jeu

Wuchang repose sur une idée simple et radicale: la survie naît du timing. Là où d’autres titres garantissent la sécurité via les parades et l’utilisation du bouclier, Wuchang recentre l’équation sur le pas de côté et en fait une ressource économique.

La Puissance Céleste est l’oxygène du système. Chaque esquive parfaite génère de la Puissance Céleste (PC). Certaines armes ajoutent des générateurs conditionnels. Par exemple, obtenir de la PC au 4e coup de la chaîne légère avec la hache, au 2e coup avec l’épée longue, générer à l’arme contre arme avec les lames doubles et accumulation passive avec l’épée une main. Cette Puissance Céleste sert trois piliers:

  1. Les compétences d’armes: attaques signature (coupe-posture, impact élémentaire, bond de sûreté, etc.).
  2. Les compétences de Discipline: métatechniques couplées aux armes (parades sur certaines, dash “croissant de lune” qui pique-fuit, contre au sol, et plusieurs autres).
  3. La dégaine rapide: changement d’arme en plein combo qui déclenche l’art de la seconde arme immédiatement (si vous disposez de suffisamment de PC). C’est LE catalyseur créatif des builds agressifs.

La conséquence au niveau de la jouabilité: la PC te permet d’ignorer l’endurance ponctuellement (certains arts n’en consomment pas), d’ouvrir des défenses hermétiques, ou de sécuriser des sorties après une entrée risquée. La boucle est cinétique: lire, esquiver, convertir, exploser, ressortir.

Ensuite, il y a les sorts, les pendentifs et les bénédictions qui permettent la stratification du build. On a donc quatre emplacements de sorts: offensifs et utilitaires. Ils consomment de la PC et montent en gamme via l’arbre. Personnellement, j’ai peu capitalisé dessus tant les couches de mécaniques sont riches, mais il semble y en avoir une panoplie complète. Il y a aussi les pendentifs qui permettent de créer des micro-synergies, comme la régénération de vie ou de PC, des bonus à l’utilisation de PC, des gains sur statut, de la stabilité d’endurance, etc. Et pour finir, les bénédictions qui sont en fait des gemmes d’armes. Les armes disposent de triples emplacements donnant des bonus d’ensembles si combinés; l’ajustement fin des armes passe par là. On gratte des seuils (stagger, status, recovery) qui modifient les fenêtres d’ouverture.

Une couche de mécanique supplémentaire, la Trempe (acupuncture). C’est l’une des signatures les plus culturelles du jeu. La Trempe insère des aiguilles dans des points d’acupuncture du bras de Wuchang pour moduler les dégâts élémentaires, comme le feu, la foudre ou le poison, les maîtrises ou les statistiques, comme les résistances, l’endurance ou le dommage brut. La trouvaille est à la fois visuelle (part du corps contaminée) et systémique: c’est un plan de réglage transversal qui donne un grain de texture supplémentaire au build. Il y a une vraie satisfaction à dénicher l’aiguille rare qui complète un set, à débloquer un emplacement supplémentaire via l’arbre, à pousser une arme au point de croustillance exact où son art cesse d’être “joli” pour devenir agressif.

Les bénédictions.
Bien thématique et différent, on aime!

Bien sûr, il ne faut pas oublier l’endurance et la posture. L’endurance est plus permissive qu’ailleurs une fois que tu enchaînes PC et aptitudes. C’est le principe de l’inspiration et de l’expiration: souffle pour approcher, PC pour percer, souffle pour ressortir. Pour ce qui est de la posture ennemie, elle grimpe quand tu touches et elle retombe si tu temporises trop. On n’est pas sur la barre de Sekiro qui se nourrit de parades; on est plutôt sur une récompense de l’agression. D’où le besoin de convertir la Puissance Céleste en fenêtres plutôt que de jouer au patient parfait. De plus. Les animations sont non annulables: c’est voulu et punitif. Qu’il s’agisse de boire une potion ou de se relever, chaque engagement a un coût. Au début, c’est frustrant; ensuite, c’est une règle qui structure tes choix.

Et pour finir, il faut parler de la folie: le grand pacte risque/récompense. Chaque mort nourrit la folie. Plus elle monte, plus tes dégâts explosent et plus ta peau s’amincit. Au seuil, mourir fait apparaître un démon majeur sur ta tombe. Ce prédateur traque tout ce qui passe (toi, monstres, patrouilles), injectant une tension supplémentaire à la récupération de tes points d’expérience qui sont représentés par des fragments de mercure rouge. C’est brillant en termes d’ambiance, car le monde “répond” à ta spirale de décès répétitifs et c’est cruel en termes de jouabilité.

Une multitude d’objets sont mis à votre disposition.

L’arbre de compétences

L’arbre de compétences est une sphère à six voies avec une possibilité de modifications libératrices. Oublie le +1 en force ou le +1 en dextérité comme unique horizon. Cinq des six voies sont orientées vers les familles d’armes et les statistiques (nœuds d’arts, bonus contextuels, améliorations de statut, etc.) auxquelles s’ajoute une voie “universelle” (charges de soin en plus, régénération d’endurance après PC, meilleurs retours sur exécutions techniques, emplacement d’aiguille, etc.). L’arbre est gigantesque. Cela peut être écrasant au début et la lisibilité des nœuds gagnerait à être plus pédagogique. Mais la clé qui empêche la claustrophobie, c’est la possibilité de redistribuer les points gratuitement aux autels. On peut pivoter de lance à doubles lames, recomposer ses pendentifs, changer de trempe, spécialiser ses sorts ou essayer une philosophie opposée pour un boss précis. Le jeu encourage l’expérimentation au lieu de la taxer et, ça, c’est rare.

Voici un aperçu de l’arbre. Toutefois, nous vous laisserons découvrir la vérité écrasante par vous-même!

Bilan mécanique: Wuchang est une machine à décisions

Dans WUCHANG: Fallen Feathers, tu fabriques tes ouvertures au lieu de seulement les lire. Tu mets chaque esquive réussie à profit et tu dessines ton plan au magasin des systèmes. C’est exigeant, on ne se mentira pas, voire trop exigeant. Mais la réallocation gratuite des points de compétences aide à alléger le tout. Pour le commun des mortels, un petit tour en ligne pour avoir plus d’info et des conseils devient presque inévitable pour compenser l’exigence du jeu. Les fans intenses du genre me lanceront des roches, c’est un fait, mais c’est lourd pour un joueur plus casual et quelques infos tirées du web peuvent alléger l’expérience et la rendre plus agréable. Toutefois, une fois cette lourdeur mise de côté, le jeu est très satisfaisant.

Prête à affronter un nouveau défi!
Les combats sont engageants.
Préparez-vous à voir un écran semblable souvent.

Secrets et design des niveaux

Wuchang opte pour des zones segmentées qui s’enchaînent sans coutures apparentes. Chaque macro-zone se décline en alcôves, boucles, raccourcis et verticalité. C’est un labyrinthe organique et l’on s’égare juste assez pour apprécier la joie du raccourci débloqué, sans sombrer dans la cartographie punitive. Les autels sont assez nombreux pour être facilitants et le design des niveaux est très bien pensé. Le jeu aime créer des moments scénographiques sans combat frontal. Un couloir de “Désespoir” où un regard à distance charge une mort instantanée; il faut sprinter en serpentant entre des poisons gouttant du plafond, pendant que des invocations surgissent hors de portée. Des échafaudages battus par le vent qui allongent la distance entre un autel et un boss, des ennemis cachés, une planche traîtresse qui s’effondrent, angle mort de caméra, l’héritage du genre est là, mais ils m’ont rarement paru “gratuits”. Apprendre la carte, c’est apprivoiser le piège. Et là encore, l’esquive reste souveraine pour celui qui reste attentif et concentré.

Magnifique et immersif!
Des cinématique et des prises de vue digne du cinéma.
Des environnements sombres et oppressants.

La découverte du lore Chinois, sensualité mortelle

Artistiquement, Wuchang impose son identité: on commence dans le chaud (ocre, rouge coquelicot, verts mouillés), on glisse vers des bleus ternes et des gris calcaires; la lumière filtre à travers des papiers huilés, givre sur les carillons, prend dans les plumes. C’est un monde coloré dans lequel la luminosité et l’ombre occupent une place intéressante. Tout est bien venu: architecture, pagodes, murs de papier, échafauds, mines ruisselantes, temples où l’offrande est devenue contagion. Tout donne le ton et une généreuse variété d’atmosphère. Le bestiaire d’humains plumés et déformés, bêtes démonisées ou contaminées, combats de boss chorégraphiés et marquants, on sent un goût de mise en scène: le jeu aime ses monstres.

Un point à noter est la sexualisation de l’héroïne et de plusieurs ensembles d’armures. Wuchang est belle, très belle, et certains pans d’équipement sont révélateurs. Le contraste avec la maladie et la noirceur ambiantes peut détonner. Ce n’est pas un jugement, mais, comme la chose détonne énormément des autres titres du genre, le sujet mérite d’être pointé. Pour certains, cela sera très bien accueilli, mais, pour d’autres, l’immersion sera perturbée.

Une touche sexy.
Un monstre bien frustrant.
Le design des ennemis est incroyable.

Accessibilité, courbe d’apprentissage et public cible

C’est là que Wuchang surprend. Le design récompense le timing, mais ne fétichise pas la parade parfaite comme clé punitive unique. Le couplage de l’esquive, de la Puissance Céleste et la création d’ouverture donnent une marge aux joueurs qui apprennent encore la danse des Souls. Pendant mon aventure, je n’ai pas ressenti l’écrasement typique; j’ai plutôt ressenti une conversation: je tâtonne, le jeu répond, j’ajuste, je passe.

En contrepartie, l’épaisseur système peut déborder. L’arbre est énorme, les mécaniques s’empilent et ajoutent une certaine lourdeur à la jouabilité malgré les nombreuses bonnes idées. Si vous détestez le buildcraft, vous allez soupirer plus d’une fois. Mais si vous aimez, Wuchang est un terrain d’essai magnifique, d’autant que la réallocation de points gratuite autorise les échecs créatifs. Pour les puristes, le début pourra sembler plus permissif que la moyenne, mais les boss, ainsi que certains segments, rattrapent le niveau avec des patterns exigeants et des punitions claires si tu triches avec les fenêtres. Pour les néophytes, c’est une des meilleures portes d’entrée récentes. Certes, on souffre, mais de manière gérable, enseignante, motivante.

Des ambiances bien variées et toujours envoûtantes.
Sombre pirate, sombre forêt.

Ce que j’en retiens est la sensation de “fair-play”. Quand je meurs, je sais pourquoi. Le jeu ne m’a presque jamais semblé injuste. Les esquives tardives sont au cœur du plaisir. On sent l’instant où la Puissance Céleste tombe dans la jauge: le cerveau clique. Le changement d’armes en plein combo met des étincelles dans le déroulement des affrontements. L’arbre de compétences est stimulant à moyen terme, mais intimidant au début. J’aurais aimé des surcouches d’interface plus didactiques, mais c’est tout de même gérable à la longue. Le lore est dépaysant et généreux, mais j’ai buté sur les noms et la dispersion de certains PNJ. L’ambiance est réussie et j’ai particulièrement aimé la lisibilité sonore (bruits de pas, cris, grognements) qui me sauve autant que l’œil. Et finalement, l’esthétique sexy qui, pour moi, est un léger décalage avec la noirceur, mais quand même appréciable.

Conclusion

WUCHANG: Fallen Feathers réussit l’essentiel: inventer autour de l’esquive une économie et un langage de combat qui donnent envie d’apprendre et pas seulement de survivre. Sa stratification (armes à personnalité, disciplines, trempe, pendentifs, bénédictions, folie) en fait un bac à sable pour les amoureux du buildcraft; sa réallocation de points de compétences gratuite en fait une école pour ceux qui hésitaient à franchir la porte. Il trébuche parfois sur la lisibilité avec un arbre de compétence tentaculaire et l’ergonomie par endroits, mais vous finirez vite par vous y faire. Toutefois, son registre sexy pourra paraître à contre-jour de son horreur. Sa narration demeure cryptique et les noms, pour un public peu exposé à la culture chinoise, peuvent freiner l’attachement initial. Mais sa courbe de difficulté, vu mon niveau débutant dans le terrain des Souls, m’a semblé juste, pédagogique et engageante. Alors, à qui s’adresse-t-il? Pour les nouveaux venus et les joueurs frustrés des Souls punitifs, il s’agit probablement de l’une des entrées les plus motivantes du moment. Pour les amateurs confirmés, vous y trouverez matière à sculpter des builds et à savourer des combats de boss mémorables. Le début vous paraîtra peut-être souple, mais la profondeur est bien là. Toutefois, si vous êtes allergiques au buildcraft, attendez-vous à une surdose de paramètres. Au final, c’est un titre qui risque d’en attirer plus d’un. Peu importe votre niveau, WUCHANG: Fallen Feathers vous plaira. Je lui donne la note de 8.5 sur 10.

Points positifs:

  • Le pluralisme des armes et des Disciplines, qui change vraiment la sensation et la jouabilité
  • La Trempe (acupuncture) comme pont de convergence entre l’univers, les traditions et la jouabilité
  • La réallocation de points gratuite qui libère l’essai-erreur
  • Le design des niveaux qui reboucle et récompense la curiosité
  • La lisibilité sonore
  • Une direction artistique marquée, enracinée, du village chaleureux au gouffre plumé
  • Une variante sexy, parce que pourquoi pas?

Points négatifs:

  • L’épaisseur des systèmes et l’arbre tentaculaire opaque dès le début
  • La dispersion de certains PNJ et la difficulté à ancrer les noms quand on découvre cette culture

Merci d’avoir pris le temps de lire notre critique du jeu WUCHANG: Fallen Feathers. N’hésitez pas à nous donner vos avis sur ce jeu dans la section commentaire, ci-dessous!

Un énorme merci à 505 Games de nous avoir permis de tester le jeu pour en faire une critique.

Scoundrel
Les derniers articles par Scoundrel (tout voir)
 
Partager

Scoundrel

Michel-Pierre Fortin est un passionné de mondes ouverts, de jeux narratifs, de RPG et de jeux de gestion/construction. Intervenant en santé mentale de formation, il cherche dans les jeux ce qu’il cherche aussi chez les gens: des personnages cohérents, complexes et profondément humains. Il aime se perdre dans les récits, fouiller les systèmes, comprendre les mécaniques… et surtout, voir les personnages évoluer. Pour lui, un bon jeu, c’est une expérience qui résonne longtemps après l’écran noir.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

This site is protected by reCAPTCHA and the Google Privacy Policy and Terms of Service apply.

The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.