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Premières impressions: Nightmare Frontier

Voici nos premières impressions du jeu Nightmare Frontier, testé sur PC.

Genre: Roguelite, Tour par tour tactique
Éditeur: Ice Code Games
Date de sortie: 16 juin 2025

Disponible uniquement sur PC.

Dans un paysage vidéoludique saturé de roguelites et de clones tactiques sans personnalité, Nightmare Frontier réussit à tracer un chemin à part. Le nouveau jeu d’Ice Code Games propose une expérience tendue, sale, exigeante, et volontairement désespérée. À la croisée d’un Into the Breach sous acide et d’un Darkest Dungeon délesté de ses oripeaux gothiques, il nous balance sans ménagement dans les ruines d’une ville cauchemardesque, aux commandes d’un groupe de Charognards dont l’espoir vacille à chaque carrefour. Avec sa structure de raids, sa jouabilité axée sur le positionnement et sa gestion des ressources aussi cruelle qu’ingénieuse, le jeu marque les esprits. Mais à force de tirer sur les mêmes ficelles, la frontière entre boucle captivante et répétitivité s’efface. Voici une plongée détaillée dans cette aventure où chaque pas peut être le dernier.

Survivre, explorer et recommencer

Le monde est tombé. Personne ne sait comment ni pourquoi, mais vous êtes encore là. Vous et les autres Charognards. Survivants parmi les décombres, les griffes et les murmures. Une silhouette étrange, Doc, un ermite aux allures de prophète fou prétend connaître une solution. Il vous envoie chercher des fragments de réponses, des matériaux disparates, des objets perdus dans l’oubli. Pourquoi pas? Faute de mieux…

La narration de Nightmare Frontier adopte une approche volontairement minimaliste. Elle prend la forme de journaux d’exploration, que le joueur découvre peu à peu lors de ses raids. Ces extraits, à la fois laconiques et intrigants, dressent le portrait fragmenté d’un monde révolu. Ce style narratif s’inscrit pleinement dans l’esthétique du jeu: rien n’est sûr, tout est à interpréter. Ce parti-pris n’est pas fait pour ceux qui cherchent une histoire linéaire ou une intrigue à embranchements. Mais, ici, il fonctionne très bien. En nous laissant recomposer les morceaux à partir de bribes éparses, le jeu nous fait ressentir l’errance et l’oubli. Il fait de nous des Charognards à part entière, cherchant du sens dans les ruines.

La narration se présente sous forme de journaux d’exploration à lire.
La défaite aussi est marquée par un journal d’exploration.

Une carte, des nœuds, et la boucle du roguelite

Chaque expédition dans Nightmare Frontier est une partie roguelite complète. Le joueur progresse sur une carte divisée en quartiers et chaque quartier est scindé en nœuds. Un nœud est une case de la carte, et chaque case propose un type d’interaction: combat, amélioration temporaire, événement contextuel ou bonus de passage. Le tout culmine inévitablement dans un affrontement plus difficile, une barrière à franchir ou une embuscade brutale.

Un tutoriel bien construit avec beaucoup de mécaniques à intégrer.

Le déroulement d’un raid suit une logique d’exploration stratégique. Le joueur doit se demander quels chemins permettent d’accéder aux ressources convoitées. Faut-il éviter certains combats pour mieux les affronter plus tard? Peut-on risquer de perdre un personnage pour gagner un matériau rare?

La carte fonctionne comme un espace de tension permanente. On avance, mais chaque déplacement réduit les options futures. On s’arme, mais la menace augmente. On gagne du terrain, mais le cauchemar veille (littéralement, puisque la difficulté augmente à mesure que l’on progresse). Puis, on recommence. Encore. Et encore. Échec ou victoire, chaque raid est un cycle complet qui enrichit la partie suivante.

Le jeu se divise en quartiers à explorer.
Ces quartiers sont ensuite générés sous forme de raids avec une carte aléatoire.

Tactique, dépassement et mort rapide

Le système de combat de Nightmare Frontier est son noyau dur et son joyau le plus affûté. À chaque affrontement, vous dirigez une escouade de trois Charognards sur une grille. L’environnement, les obstacles et la disposition des ennemis dictent votre stratégie. La victoire ne vient jamais d’un chiffre brut, mais d’un bon positionnement, d’un piège bien tendu ou d’un enchaînement maîtrisé.

La mécanique qui distingue immédiatement le jeu, c’est le dépassement. Lorsqu’un personnage tue une créature, il est saisi par un élan d’espoir fugace qui lui permet d’agir de nouveau. Cependant, c’est un couteau à double tranchant. Bien utilisé, le dépassement permet des combos explosifs, mais mal anticipé, il expose vos troupes.

Un combat tactique de présentation assez classique.

La fluidité de ces combats est également à souligner. Les animations sont rapides, les effets clairs, les transitions sans fioritures. C’est brutal, rapide, efficace. Un tour mal planifié peut vous coûter un personnage. À l’inverse, une chaîne bien pensée peut nettoyer le champ de bataille. On est constamment sur le fil. Le plaisir tactique est réel, et renouvelé à chaque nouvelle configuration de nœud.

Parmi les subtilités du système, Nightmare Frontier intègre également une gestion de la peur propre à chaque personnage. Lorsqu’un Charognard est confronté à ses peurs (peurs qui sont souvent liées à des types d’ennemis précis ou à des événements particuliers), le niveau de cauchemar augmente plus rapidement. Ce système, discret, mais essentiel, ajoute une couche psychologique à la stratégie: envoyer le bon survivant au bon endroit peut littéralement éviter l’escalade. À l’inverse, mal gérer ces réactions émotionnelles peut précipiter votre équipe dans une spirale de difficulté. Cela renforce la tension constante du jeu, où le mental est aussi important que l’arsenal.

La mécanique de cauchemars est intéressante et suscite la tension.
La mécanique de peur bonifie celle des cauchemars.

Un autre aspect souvent sous-estimé, mais redoutablement utile, est la possibilité d’annuler certaines actions pendant votre tour. Tant qu’aucune conséquence irréversible n’a eu lieu (attaque lancée, objet consommé), vous pouvez revenir en arrière sur vos déplacements, vos ciblages ou vos choix de capacité. Cette mécanique permet d’explorer plusieurs options sans pénalité immédiate, d’éviter des erreurs coûteuses, ou de tester différents angles d’approche pour optimiser vos enchaînements. Dans un jeu aussi exigeant, cette souplesse tactique devient une bouée de sauvetage… à condition de l’utiliser avec rigueur. Elle renforce la courbe d’apprentissage, récompense l’expérimentation, et limite la frustration.

Entre espoir et pénurie

Dans Nightmare Frontier, le sac à dos est votre pire ennemi, ou votre meilleur ami, tout dépend de comment vous l’utilisez. Très limité, il vous oblige à faire des choix déchirants à chaque étape. Prendre une arme rare ou un kit de soins? Garder une relique ou un matériau de construction? Miser sur l’instant ou préparer la suite? Ce minimalisme contraint renforce l’immersion. On se sent toujours à court. Toujours incertain. La progression n’est jamais linéaire, mais ponctuée de décisions à conséquences indirectes: laisser un objet derrière, c’est peut-être retarder sa progression.

Les ressources que vous amassez servent à améliorer les armes, débloquer certains bonus ou avancer la trame narrative avec le Doc. C’est une boucle cohérente, bien pensée, qui récompense la prudence, mais valorise le risque maîtrisé. Et puisque chaque raid peut potentiellement se solder par un échec brutal, tout gain prend une valeur symbolique. On ne progresse pas vite, mais on progresse mieux.

La récompense après un affrontement facile.

Des survivants peu différenciés

L’un des rares points de déception de Nightmare Frontier concerne la diversité de ses personnages. Les Charognards se déclinent en cinq modèles de base. Une fois votre réserve remplie de dizaines de survivants, tous plus ou moins interchangeables, la distinction devient difficile, tant visuelle que mécanique.

Les classes de personnages sont limitées, et si l’équipement ajoute un brin de variété, cela ne suffit pas à créer un sentiment d’identité forte pour chaque combattant. Par ailleurs, le jeu ne propose aucun personnage féminin parmi les survivants jouables. Ce choix, probablement artistique ou lié au ton du jeu, doit être noté. Sans accuser ni juger, on peut regretter que cette représentation réduite empêche une identification plus large ou une dynamique d’équipe plus nuancée. Dans un monde aussi vaste, il aurait été intéressant de croiser des figures féminines survivantes, combattantes ou stratèges.

Peu de variété, mais des angles de jeu différents avec quelques types de personnages.
Dommage qu’aucun personnage féminin ne fasse partie de cet univers.

Une apocalypse au goût de poussière

Le style visuel de Nightmare Frontier est une vraie réussite. Entre textures rugueuses, ruines en décomposition, et lumière blafarde, le jeu construit un univers oppressant, mais captivant. Chaque quartier a une identité propre, avec ses monstres, ses matériaux, ses dangers. Les créatures qui hantent les rues sont inquiétantes sans être grotesques. Certaines semblent tout droit sorties d’un délire fiévreux, d’autres rappellent des mutations réalistes, presque humaines.

La caméra libre est un atout précieux. Elle permet d’anticiper les lignes de tir, de planifier les approches, et d’exploiter les hauteurs. Elle s’intègre parfaitement dans la tactique et renforce l’aspect lecture du terrain. Enfin, la direction artistique choisit de ne jamais tomber dans le spectacle. Ici, la peur est une corrosion lente. Le monde n’est pas effrayant : il est écœurant, fatigué, abîmé. Et c’est précisément ce qui le rend si crédible.

Visuellement, c’est très réussi.
Les environnements sont remplis de poussière…
… mais aussi de sang!

La bande-son, de son côté, se fait discrète, mais essentielle. Les musiques sont rares, souvent atmosphériques, et laissent place à des nappes inquiétantes, des bruits d’arrière-plan, des respirations saccadées. Chaque coup, chaque cri, chaque pas résonne. Le silence est utilisé comme un outil d’immersion. Et lorsqu’une musique surgit, c’est pour souligner un point de tension, un enchaînement ou un seuil narratif. Le son n’est jamais envahissant. Il accompagne sans diriger. C’est un équilibre difficile à maintenir, et le jeu le réussit parfaitement.

La frontière entre le plaisir et la répétitivité

Si la boucle de jeu est solide, elle finit par montrer ses limites. Après plusieurs heures, les débuts de raids deviennent redondants. On retrouve les mêmes nœuds, les mêmes combats initiaux beaucoup trop faciles avec une équipe renforcée et nous sortons victorieux souvent en moins d’un tour… sans réelle montée dramatique. Il n’y a pas de boss final, pas d’épilogue marquant. Le seul ennemi final, c’est l’épuisement du joueur ou de son équipe. Un mode avancé, un défi final ou une clôture scénaristique plus forte auraient permis d’ancrer cette progression dans un arc mémorable. Dans cet état, l’expérience reste forte, mais s’éteint doucement. L’histoire progresse à mesure qu’on collecte les différentes pièces pour aider le Doc, mais chaque raid reste avec un goût d’inachevé. Toutefois, il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un jeu en accès anticipé. D’ici la fin de l’année, nous pouvons nous attendre à voir de nouveaux défis, de nouvelles mécaniques de jeu, de nouvelles peurs, de nouvelles quêtes, un boss final, une conclusion à l’histoire et plus encore! Nightmare Frontier est un jeu prometteur qui risque de rendre fous de joie tous les fans de combats tactiques au tour par tour! J’ai malgré tout eu beaucoup de plaisir à tester ce jeu et j’y rejouerai certainement très bientôt, comme là là, j’y retourne!

Ce que le futur nous réserve!

Points forts:

  • Des combats tactiques rapides, intenses et satisfaisants
  • La mécanique de dépassement est bien pensée et favorise les enchaînements
  • Une ambiance postapocalyptique unique, à mi-chemin entre western et cauchemar
  • Une direction artistique sobre et crédible
  • Un rythme de jeu fluide avec des transitions rapides idéales pour le roguelite
  • Une gestion des ressources rigoureuse qui renforce l’immersion en survie
  • Des journaux narratifs immersifs, sans surcharge scénaristique

Points faibles:

  • Des débuts de raids qui deviennent répétitifs à long terme
  • Peu de variété dans les classes et les apparences des personnages
  • L’absence de personnages féminins parmi les Charognards
  • Pour l’instant, il y a un manque de finalité claire dans la progression
  • Une progression narrative et mécanique un peu trop lente passé un certain point

Merci d’avoir pris le temps de lire nos premières impressions du jeu Nightmare Frontier. N’hésitez pas à nous donner votre avis sur ce jeu dans la section commentaire, ci-dessous!

Un énorme merci à Ice Code Games de nous avoir permis de tester le jeu pour en faire une critique.

Scoundrel
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Scoundrel

Michel-Pierre Fortin est un passionné de mondes ouverts, de jeux narratifs, de RPG et de jeux de gestion/construction. Intervenant en santé mentale de formation, il cherche dans les jeux ce qu’il cherche aussi chez les gens: des personnages cohérents, complexes et profondément humains. Il aime se perdre dans les récits, fouiller les systèmes, comprendre les mécaniques… et surtout, voir les personnages évoluer. Pour lui, un bon jeu, c’est une expérience qui résonne longtemps après l’écran noir.

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