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Critique: The Wolf Among Us

Voici notre critique de The Wolf Among Us, testé sur PlayStation 5.

Genre: Aventure narrative, Polar fantastique, Enquête
Développeur: Telltale Games
Date de sortie: 11 octobre 2013 (Épisode 1)

Disponible sur PC, PS3, PS4, PS5, Xbox 360, Xbox One, Xbox Series, IOS et Android.

Développé par feu Telltale Games, The Wolf Among Us est un jeu narratif épisodique en cinq chapitres tirés de l’univers de la bande dessinée Fables publiée chez Vertigo. Ce comics culte imagine un monde dans lequel les personnages des contes de fées ont été chassés de leurs royaumes magiques et vivent désormais cachés à New York, dissimulés aux yeux des mundanes (les humains ordinaires) par le biais de sortilèges appelés glamours. Le jeu nous plonge dans une enquête sordide à travers les ruelles poisseuses de Fabletown, un quartier miteux d’un New York alternatif où se débattent des personnages chers à nos mémoires d’enfance, tels que Blanche-Neige, la belle et la bête ou encore les Trois Petits Cochons. Le joueur y incarne Bigby Wolf, le Grand Méchant Loup réhabilité, désormais shérif de la ville. Mais « réhabilité » ne signifie pas « domestiqué », et c’est le thème central de l’univers. Telltale avait déjà frappé fort avec The Walking Dead un an plus tôt. Avec The Wolf Among Us, ils poursuivent leur virage vers le jeu d’auteur narratif et ils le font ici avec beaucoup plus de style et de mordant.

Une enquête sanglante sous la pluie

L’intrigue débute un soir banal alors que Bigby est appelé dans un immeuble miteux où une altercation brutale a éclaté. Ce qui commence comme une banale affaire de violence domestique va rapidement dégénérer en enquête pour meurtre, on prend dans les premières minutes un tournant décisif très loin du fameux:  ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants.

Les 20 premières minutes sont brillamment rythmées. On découvre un Bigby méfiant, au bord de la crise de nerfs, constamment jugé par les autres Fables qui n’ont pas oublié sa nature bestiale et les torts causés dans leurs histoires respectives. Très vite, on rencontre une jeune travailleuse du sexe au sourire fatigué et au regard intelligent. Elle disparaît. Et elle emporte avec elle toute illusion de normalité.

L’amorce d’un mystère qui changera la face de Fabletown pour toujours.
Bigby reste modeste.

L’histoire mêle subtilement enquête, drame social et tension politique. Chaque épisode révèle une nouvelle strate du monde des Fables: la pauvreté croissante, l’exil, l’exploitation des femmes, la corruption administrative, et les souvenirs amers d’un royaume perdu. Les lieux visités sombres et glauques tracent une géographie du désespoir. Et Bigby avance à travers tout ça, entre flair, poings, et regrets.

La structure épisodique fonctionne bien, et les fins de chapitre sont presque toujours marquantes. On s’attache à des personnages qu’on croyait accessoires, on soupçonne ceux qu’on croyait fiables, et l’identité du coupable ne se révèle jamais dans une simple scène d’exposition. Le dernier épisode est un chef-d’œuvre d’ambiguïté morale, et l’épilogue interactif pousse le joueur à remettre en question tout ce qu’il a vu.

L’ambiance réussit à bien rester près du médium d’origine, on sent l’influence du comics.

Décider de ne pas arracher la gorge

The Wolf Among Us est un jeu narratif à la Telltale. La majorité de la jouabilité repose sur des choix de dialogues en temps limité, ponctués par des QTE (Quick Time Events) pour les scènes d’action. On explore quelques environnements, on fouille, on interroge, mais tout repose sur la narration et la prise de décision.

Ce n’est pas un défaut, car le système est bien exploité. Chaque choix façonne la relation entre Bigby et les autres Fables. Réconforteras-tu Toad ou le menaceras-tu? Feras-tu confiance à Nerissa ou suivras-tu ton instinct? Utiliseras-tu la force ou la persuasion? Contrairement à certains jeux du studio, ici, les conséquences de tes décisions se font réellement sentir, parfois immédiatement dans la réaction des autres participants, d’autre fois sur le long terme

Il y a des phases libres d’exploration, assez courtes, qui vous feront découvrir des indices ou des dialogues supplémentaires, certaines découvertes changeront vos options de dialogues futurs.
Les scènes d’action sont bien chorégraphiées et accessibles au niveau technique.
Les choix de dialogues se présentent sous forme de choix avec un temps limité. Cela peut sembler surprenant, mais ne rien répondre et laisser le chronomètre se terminer est aussi un choix valide.

Les scènes de QTE sont intenses, parfois même brutales, mais elles servent le propos. Ce n’est pas un jeu où tu « gagnes » les combats, c’est un jeu où tu décides de quelle façon tu te salis les mains. Certains moments sont plus tendus que d’autres. Refuser de répondre à une provocation, choisir de ne pas intervenir immédiatement, ou lire dans les silences d’un personnage peut être aussi risqué que de frapper. Et c’est là que le jeu devient fascinant: il te laisse construire ta propre légende du loup, entre rédemption et prédation.

Parfois, des indications au coin supérieur gauche vous donneront sur votre action récente.

Une fable qui saigne violet

Le point fort absolu du jeu est sans conteste sa direction artistique. The Wolf Among Us est une œuvre visuelle marquante. Le cel shading stylisé, les couleurs saturées et les éclairages néon lui confèrent une personnalité unique. Chaque image est une planche de BD trempée dans l’alcool et la sueur, chaque scène baigne dans un flou de violence contenue. Les animations ont un certain âge, bien sûr, mais la mise en scène compense largement. Les expressions faciales, les ralentis, les cadrages appuyés sur les regards ou les détails de décor… tout contribue à une atmosphère lourde, tendue, presque poétique. L’esthétique est cohérente de bout en bout.

La bande-son, quant à elle, est discrète, mais chirurgicale. Synthétiseurs dissonants, nappes graves, morceaux jazzy étouffés… chaque note renforce l’identité du jeu: un polar noir urbain, avec des éclats de féerie brisée.

L’atmosphère est réussie.
C’est un jeu qui a vraiment bien vieilli.
La bande-son reste dans le thème et est cohérente avec l’ambiance générale.

Le monde derrière l’enquête

Le jeu ne regorge pas d’objets à collectionner inutiles, mais il propose tout de même des “livres de Fables” à débloquer en fonction de vos choix, qui offrent un éclairage supplémentaire sur les personnages, leur passé et leur lien avec les contes d’origine. On y apprend, par exemple, les raisons du bannissement de certains personnages, les conséquences du régime autoritaire de Crane ou la vérité sur certains héros, comme le Boucher. Ces éléments renforcent la cohérence de l’univers, et donnent envie de découvrir les BD dont il est issu.

Il y a également des scènes facultatives ou des dialogues optionnels qui ajoutent des couches de subtilité: une conversation manquée peut priver d’un indice narratif ou d’un détail de personnalité. Ce n’est pas un monde ouvert, mais c’est un monde riche, réactif, et bien écrit.

Au fil de l’aventure, vous débloquerez des compléments d’information qui apportent plus de profondeur à l’histoire.

Un jeu qui vaut mieux que son époque

Le jeu accuse son âge sur certains plans techniques. Quelques textures sont floues, les animations faciales peuvent manquer de souplesse, et les QTE souffrent parfois de légers délais de réponse. Mais la cohérence artistique est telle que ces défauts techniques passent vite au second plan. Sur PS5 via rétrocompatibilité PS4, le jeu tourne de manière fluide, avec très peu de bogues. Les temps de chargement sont acceptables, et les sous-titres sont clairs. Un détail qui mérite d’être mentionné, ils sont uniquement en anglais pour la version originale.

La durée de vie est d’environ 8 à 10 heures pour une première partie, et certaines branches justifient une seconde partie pour explorer d’autres approches, notamment en modifiant radicalement l’attitude de Bigby.

Vos choix ont un réel impact sur l’histoire!

Un conte moderne

Rejouer à The Wolf Among Us en 2025, c’est comme relire un roman noir qu’on croyait connaître par cœur et y découvrir de nouveaux sous-entendus. Ce jeu est un polar crasseux et magique, une œuvre unique dans le paysage vidéoludique. Le personnage de Bigby est l’un des meilleurs antihéros du jeu vidéo. Il est complexe, loyal, cynique, brutal et protecteur malgré lui. Sa relation avec Blanche-Neige est subtile, jamais forcée et toujours tendue. De plus, chaque personnage secondaire semble avoir une vie en dehors de l’histoire. Pour moi, The Wolf Among Us reste mémorable pour plusieurs raisons: les choix moraux difficiles qui me hantent encore, les révélations inattendues qui reconfigurent tout l’univers, l’ambiance étouffante où chaque mot compte, ce sentiment rare d’avoir été jugé par mes propres décisions, sans qu’aucun narrateur ne vienne m’absoudre ou me punir. C’est l’un des meilleurs jeux narratifs auxquels j’ai joué et je me suis vite redirigé vers l’œuvre originale (comics) que j’ai dévorée. Une œuvre stylée, intelligente, et marquante, à redécouvrir sans hésitation avant l’arrivée très attendue de sa suite (je suis optimiste!). Un conte pour adultes où l’on ne vit pas heureux, mais où l’on réfléchit longtemps après l’écran noir. Je lui donne la note de 9 sur 10.

Points positifs :

– Une ambiance visuelle et sonore d’une rare personnalité
– Un univers original, profond, et crédible
– Des personnages complexes et marquants
– Une écriture tendue, subtile et émotive
– Un gameplay narratif qui respecte les choix du joueur
– Un final brillant qui laisse place au doute

Points négatifs :

– Quelques QTE datés et imprécis
– Plusieurs branches de l’intrigue ne changent pas l’impact sur l’histoire au-delà du ressenti
– L’attente de la suite est longue, très longue…

Merci d’avoir pris le temps de lire notre critique du jeu The Wolf Among Us. N’hésitez pas à nous donner vos avis sur ce jeu dans la section commentaire, ci-dessous!

Scoundrel
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Scoundrel

Michel-Pierre Fortin est un passionné de mondes ouverts, de jeux narratifs, de RPG et de jeux de gestion/construction. Intervenant en santé mentale de formation, il cherche dans les jeux ce qu’il cherche aussi chez les gens: des personnages cohérents, complexes et profondément humains. Il aime se perdre dans les récits, fouiller les systèmes, comprendre les mécaniques… et surtout, voir les personnages évoluer. Pour lui, un bon jeu, c’est une expérience qui résonne longtemps après l’écran noir.

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